2 Décembre 2019
Multipliant ses actions en faveur d’Haïti sur l’échiquier international, L’ancien Premier ministre d’Haïti Laurent Salvador Lamothe était l’invité de l’émission la Grande interview sur RT France où il a fait le point sur la situation historique et sociopolitique du pays.
RT France : votre pays fait face a une crise économique, humanitaire, sociale, c’est le pays le plus pauvre du continent américain. Comment vous expliquez cet état de pauvreté ?
Laurent Lamothe : De 1804 à nos jours, seulement 49% des Présidents haïtiens ont pu finir leur mandat. Ceci est la cause de l’instabilité politique . Nous avons une Constitution très faible qui ne prend pas en compte les desirs de la population et qui aurait du être révisée il y a longtemps.
À cause de cette absence de révision de la constitution, cette dernière alimente une instabilité chronique et permanente dans le pays qui débouche sur la non continuité des politiques publiques et d’un plan gouvernemental.
RTF: On parle beaucoup notamment dans de nombreux médias de cette malédiction dont serait victime votre île, vous en pensez quoi ?
LL : Après notre indépendance, nous avons subi des sanctions et nous n’avons pas été reconnus pendant 60 ans. Notre indépendance nous a coûté plus de 20 milliards de dollars américain qui représentait plus de 98% de notre budget. Donc c’est une malédiction pour n’importe quel pays qui commence avec ces bases de destruction où on doit commencer à zero.
Cela nécessite des centaines d’années pour réussir à surmonter tout ceci, indépendamment du fait que le pays ait connu plusieurs catastrophes naturelles comme le séisme de 2010 qui a causé plus de 700.000 victimes (250.000 personnes tuées et 500 000 autres blessées). Le pays est victime des changements climatiques et fait face a de grands défis. Les grandes nations du monde qui n’ont pas su gérer leurs niveaux émissions de gaz carbonique causent d’énormes soucis à un pays comme le nôtre.
RTF: Vu son positionnement géographique stratégique, Haïti dispose d’un énorme potentiel, quels sont ses atouts principaux ?
LL : L’un des plus grands atouts d’Haïti c’est la beauté physique de notre pays qui se reflète dans sa culture, ses plages… Mais il faut mieux l’exploiter. Il faut avoir également la stabilité, la continuité politique et la sécurité qui couronne tout cet ensemble.
RTF : l’instabilité politique n’est pas la seule raison qui pousse le peuple haïtien à descendre dans la rue, il y a aussi la corruption généralisée. Quelles sont vos observations à ce niveau ?
LL : Le problème de la corruption n’est pas un problème qui a été inventé en Haïti, ni qui finira avec elle. C’est un problème à travers le monde qu’on voit dans les plus grandes capitales mondiales. Dans le cas d’Haïti, le problème de la corruption est lié à la pauvreté, à l’insuffisance des salaires. Ce problème doit être résolu par un changement de mentalité et d’attitude. Et dans ce sens, mon gouvernement fut le premier à adopter la loi anticorruption, une loi sévère qui punit cette infraction.
RTF : Vous évoquez l’actuel président Jovenel Moïse. On ne sait pas s’il va pouvoir terminer son madat. Il y a une grogne dans la rue, la corruption certes, la pauvreté, mais on a quand même le sentiment que la classe politique a échoué. Est-ce qu’elle a sa part de responsabilité ?
LL : Dans une situation économique précaire comme celle d’Haïti aujourd’hui, nous avons un Président élu à 55% des voix, donc 45% ont voté contre lui. Et aujourd’hui après seulement deux ans et demi de mandat, les mauvais perdants de l’élection présidentielle investissent les rues et profitent des faiblesses institutionnelles.
Quelques oligarques qui bénéficiaient dans le passé de contrats juteux profitent de cette situation d’instabilité et de ces faiblesses institutionnelles pour financer des gangs et une déstabilisation politique et sociale de notre pays. Ils demandent le départ du Président afin de continuer à bénéficier des avantages qu’ils jouissaient dans le passé.
RTF : On observe donc cette situation très instable, un peu chaotique. Il y a de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme qui dénoncent une répression, que leur repondez vous ?
LL : Aujourd’hui la violence en Haïti est liée principalement à la violence de combat entre gangs. Il y a certainement pas de cas d’extrême violences policières, d’ailleurs la présente policière est parfois très faible.
RTF : Ces forces de l’ordre qui sont intervenus, ils ont quand même eu l’air dépassé parce qu’il y a eu des tirs à balles réelles. On a observé des tirs à balles réelles de la part des forces de l’ordre sur les manifestants. Qu’en dites vous ?
LL : Il faut faire attention aux désinformation ! Le monde d’aujourd’hui fait face à une campagne de fake news et de désinformation. Le pays est dans une situation où les gangs armés ont repipé. Ils font la guerre entre eux et créent une confusion énorme. J’invite quiconque à aller voir cette “pseudo répression ” car il y a beaucoup plus de fake news que de vraies répression.
RTF : Haïti est membre observateur de L’Union Africaine et lorsque vous étiez Premier ministre vous avez beaucoup milité pour que Haïti intègre l’organisation. Cela n’a pas été possible pour des raisons géographique, vous quels sont vos arguments pour encourager cette intégration dans l’organisation panafricaine ?
LL : Haïti c’est l’Afrique dans les Caraïbes. Les moeurs sont les mêmes, la population est la même, c’est une population qui a été déplacée d’Afrique pour aller dans les Caraïbes. Nous faisons partie d’une diaspora africaine.
Quand j’étais Premier ministre, j’ai eu à prendre la parole à l’Union Africaine pour encourager l’organisation à considérer sa diaspora. Il faut qu’on se rende compte qu’il y a des centaines d’années, des africains ont été déportés et qu’il y maintenant le désir de ces africains de retrouver leur continent d’origine. Voilà pourquoi nous avons fait une demande d’intégration à l’Union Africaine comme membre à part entière.
Nous avons les mêmes pratiques, les réalités sont similaires. On a beaucoup à apprendre de l’Afrique et vice versa.
RTF : Est-ce que vous allez poursuivre ce lobbying, vu votre proximité avec le Maroc est que vous comptez sur le royaume chérifien pour vous aider à faire qu’un jour Haïti intègre cette organisation panafricaine ?
LL : Le Royaume du Maroc a été un pays frère et nous avons une excellente relation. Certainement nous comptons également sur le support des 54 pays du continent africain.
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