LAURENT LAMOTHE

Moderniser l’économie pour le relèvement d’Haïti.

Comme vous le savez, le président Michel Joseph Martelly a soumis à la ratification du Parlement mon choix en tant que futur premier ministre. Compte tenu de l’état de division qui règne au sein de notre pays, de la nécessité de réconcilier les fils et les filles de la nation, et d’entamer un processus d’apaisement, je considère utile et urgent de vous informer des sensibilités des différents secteurs de la vie nationale qui se retrouvent dans mon plan d’action gouvernementale.

« Que peut-il bien faire pour l’économie? Nous sommes à la merci de l’aide internationale!» ai-je encore entendu récemment quant à cette possible ratification. Bien que l’économie n’est qu’une partie des problèmes auxquels notre pays est confronté, il s’agit d’un gros morceau, puisque c’est grâce à une économie moderne et fertile que les familles haïtiennes pourront se nourrir, se loger et espérer un meilleur avenir pour la jeunesse. J’en profite donc pour vous faire part des ambitions que j’ai pour l’économie haïtienne.

Nombre de mes actions – tant à la tête du ministère des Affaires étrangères et des Cultes qu’au Conseil consultatif présidentiel pour l’investissement – ont eu pour objectif de favoriser l’investissement privé en Haïti, mais aussi, et surtout, de valoriser l’entrepreneuriat trop souvent traité en parent pauvre dans notre pays. Si j’ai la charge de diriger le prochain gouvernement, je m’attèlerai sans relâche à faire valoir les mérites de l’entrepreneuriat haïtien et à créer les meilleures conditions pour lui permettre de s’épanouir. L’entrepreneuriat créera la richesse et l’emploi qui mèneront vers l’autonomie financière de la population haïtienne.

« Fòk Pèp la Jwen-n », tel est le principe directeur qui guidera mon action. Ce principe implique de rechercher le bien-être du peuple à travers la fourniture des services sociaux de base. Ainsi, l’accent sera mis sur les projets à effets immédiats sous la direction des ministères sectoriels. Ce principe implique également de mettre en place des mécanismes devant favoriser la répartition équitable de la richesse.

Nous avons aujourd’hui besoin d’un sursaut de civisme et de conscience. Le vide gouvernemental créé par la démission du premier ministre Conille se fait déjà gravement sentir, sur tous les plans. Nos compatriotes qui ont pu accéder à un emploi sont de plus en plus menacés par la mise à pied, du fait du ralentissement de la demande. Le prix du pétrole grimpe, obligeant l’État, à partir de ses maigres ressources, d’en financer la consommation. L’aide internationale est quasiment gelée.

Il faut dénoncer la désolante reprise de services des professionnels de la déstabilisation politique, instrumentalisant à leur profit l’incertitude créée par le vide gouvernemental. Leur champ de bataille ne se limite malheureusement pas au Web, à partir duquel ils diffusent de fausses informations, des rumeurs et des calomnies destinées à affaiblir les dépositaires de l’autorité publique et à faire échec au processus de mise en place d’un nouveau gouvernement.

Tout cela nous place dans une situation délicate. Le prolongement de ce vide gouvernemental risque de nous précipiter vers une grave crise. Beaucoup d’entre vous l’ont compris.

Je reste persuadé que l’entrepreneuriat constitue le socle à partir duquel notre nation doit se construire et progresser vers plus d’indépendance, plus d’autonomie et de solidarité. C’est à nous qu’il revient d’avoir foi en l’avenir et d’investir dans votre pays. Même quand l’investissement étranger est souhaité, et nous ferons tout pour qu’il vienne, c’est aux Haïtiens d’abord de construire leur nation.

Parmi les responsabilités, notons celle des entrepreneurs de payer leurs taxes. Cela doit figurer au premier plan. Sans élargissement de l’assiette fiscale, sans perception de taxes dues par les opérateurs privés, aucun pays ne peut trouver la voie de la modernité, aucun projet de modernisation n’est possible et aucune politique de subvention de l’éducation n’est envisageable… Mon gouvernement entend lutter contre l’évasion fiscale autant qu’il entend lutter contre la corruption, où qu’elle soit. Nous appliquerons ces politiques et effectuerons ces démarches en harmonie avec le Parlement, institution importante avec laquelle nous entendons avoir des relations harmonieuses. Idem avec les partis politiques qui doivent être encadrés pour qu’ils vivent et fassent vivre les institutions démocratiques auxquelles nous tenons. Pour qu’il y ait stabilité politique, la vitalité démocratique est capitale.

Un certain nombre de mesures seraient annoncées dans ma déclaration de la politique générale. Par exemple :

– le renforcement de tous les mécanismes de contrôle en vue notamment d’une lutte efficace contre le crime organisé, dont la contrebande et les multiples trafics qui gangrènent notre économie;
– la formalisation du secteur informel, en vue d’accroître la recette fiscale et mieux contrôler la dynamique de l’emploi ;
– le renforcement des mécanismes de protection de la propriété, notamment la justice, la police et, plus particulièrement, le système de cadastre ;
– la modernisation du système d’identification nationale ;
– le renforcement de la sécurité publique pour garantir un climat favorable à l’investissement privé étranger et national. À ce propos, toutes les dispositions adéquates seront prises pour que les vies et les biens soient protégés.

Pour avoir maintenu, durant la dernière année, une communication serrée avec différentes associations du secteur privé, j’ai constaté avec intérêt et plaisir qu’il y a des associations patronales, dont la Chambre de commerce et d’Industrie, le Forum économique, la HAMCHAM, l’ADIH, l’ATH et d’autres, qui réfléchissent à des solutions concrètes aux problèmes économiques. Parmi les thèmes ou défis qui ont retenu mon attention, je retiens par exemple :

• Celui de dynamiser l’offre de financement de l’immobilier en Haïti par la réduction du coût des transactions financières et d’hypothèque, les coûts et le temps de création de sociétés, les frais de « main levée » sur les hypothèques, etc. À ce propos, certaines recommandations pertinentes nous ont été récemment offertes par Carl Braun, PDG de la Unibank, lors d’une journée de réflexion de la BID et de la Banque mondiale. Ses propositions me semblent pouvoir constituer un socle de réflexion intéressant sur cette problématique.
• Celui de renforcer la compétitivité d’Haïti sur l’échiquier régional et international. À ce propos, les récentes interventions des économistes Pierre-Marie Boisson et Kesner Pharel, et les travaux du Groupe de travail sur la compétitivité nous offrent déjà de la bonne matière pour arrêter des stratégies bien ficelées.
• Celui du changement du Code du travail permettant par exemple les quarts de travail de nuit à des conditions garantissant la compétitivité des firmes haïtiennes.
• Celui de la baisse du coût de l’énergie.
• Celui d’un changement en profondeur des lois sur l’immobilier permettant une dynamisation des investissements dans ce secteur.
• Celui de la formation professionnelle pour combler les déficits énormes auxquels font face les industries génératrices d’emploi : agriculture, industrie, tourisme, construction.
• Celui de la production nationale (agricole et industrielle) qui doit faire l’objet d’une stratégie de développement bien pensée.
• Celui du développement d’une réglementation pour l’industrie d’assurance.
• Celui de la réforme de la sécurité sociale avec un effort impliquant le privé, mais également l’ONA et l’OFATMA.
• L’application de certaines initiatives de la douane pour faciliter le dédouanement telle que OEA (Opérateurs économiques agréés) qui allégera beaucoup le processus de dédouanement pour les sociétés agréées.

Ici, rappelons que le problème de la perméabilité de la frontière haïtiano-dominicaine doit être un élément important d’une stratégie visant le développement agricole et industriel. En effet, sans solution à ce problème, il ne pourra y avoir de développement industriel ou agricole d’envergure en Haïti. Le renforcement des structures de contrôle pour taxer normalement toutes les importations venant de la République dominicaine est l’un des moyens les plus sûrs pour réduire la pauvreté en Haïti, car cette initiative aura un impact positif sur toute l’agriculture et la majorité de l’industrie nationale, deux des plus grands créateurs d’emplois.

Les troubles politicoéconomiques dont souffre le pays sont le symptôme d’une crise plus profonde : celle de notre incapacité à transcender nos différences et à travailler ensemble même dans la diversité. Nous devons changer cet état de choses. Mon gouvernement sera prêt à remplir sa part du contrat. Mettons-nous à la tâche ensemble !

Nous avons d’ailleurs déjà donné l’exemple de façon magnanime. En effet, rappelons-nous cet effort louable réunissant les autorités publiques, privées et même législatives pour promulguer en décembre 2010 un arrêté d’application sur la loi sur la copropriété. Nous avions planché pendant de longues semaines sur ce problème. Le débat fut souvent âpre. Les divergences étaient réelles. Les intérêts souvent divergents. Mais en fin de compte, Haïti a gagné, car les responsables au plus haut niveau ont collaboré sans autre souci que de doter Haïti d’une loi applicable et fonctionnelle. De Maxime Charles s’exprimant au nom de l’Association professionnelle des banques (APB) à Lesly Alphonse pour l’association des professionnels du droit et celle des notaires, de Jerry Tardieu s’exprimant au nom du secteur privé à Fritz de Catalogne pour l’Association des assureurs, du premier ministre Gary Conille à son excellence le président Michel Martelly… Tous ont vanté cet exercice démocratique participatif exemplaire qui a abouti à un arrêté consensuel sur un sujet important comme la copropriété. Cet exemple est à suivre.

D’autres lois méritent d’être changées. Nous allons travailler à les identifier. Salim Soukar fut celui qui coordonna les activités ayant abouti à la signature de l’arrêté d’application de la copropriété. Si je suis ratifié par le Parlement, il sera mon chef de Cabinet et à ce titre, il aura la même mission, celle de travailler avec acharnement pour encourager le vote de lois aptes à favoriser la modernisation économique d’Haïti.

Si le Parlement ratifie ma désignation en tant que premier ministre, parmi mes priorités économiques, j’entends :

• moderniser le cadre législatif et institutionnel qui organise le commerce et l’investissement ;
• mettre en œuvre des mécanismes visant à soutenir le processus de modernisation de nos entreprises, qui doivent être compétitives ;
• valoriser le travail et l’industrie en tant que vecteurs de croissance et de réduction de la pauvreté.

Le président Michel Joseph Martelly m’a fait un grand honneur de me choisir pour diriger le prochain gouvernement. Imbu des défis qui attendent la nation à ce carrefour de notre histoire, j’ai accepté cette nomination avec comme seule ambition celle de servir mon pays. En ce sens, je souhaite travailler, entre autres, à la matérialisation des objectifs de progrès et de développement économique prônés par le chef de l’État.

Un nouveau rêve haïtien est possible ! C’est parce que j’y crois fermement que j’ai mis en veilleuse mes activités d’entrepreneur pour m’impliquer en politique afin d’aider à la reconstruction de cette Haïti que nous aimons tant.

Si vous souhaitez en savoir plus sur la modernisation de l’économie haïtienne dans le cadre de sa relance, vous pourriez être intéressé par l’article “Économie d’Haïti” sur Wikipedia. Cet article offre un aperçu de l’économie haïtienne et des défis auxquels elle est confrontée. De plus, vous pourriez trouver intéressant de consulter l’article sur Michel Martelly, qui a été mentionné en tant que président dans le contenu. Cet article Wikipedia fournit des informations sur sa présidence et sa carrière politique.