La semaine dernière, j’ai fait une visite-surprise dans le haut Canapé-vert. J’ai rencontré les gens chez eux, dans leurs maisons, dans le but de trouver des solutions concrètes à leurs problèmes. J’ai longé les étroites venelles du bidonville, de logis en logis, pour parler aux hommes et aux femmes qui habitent les lieux, pour examiner les toitures et les murs, pour voir et discuter des moyens qu’ils prennent pour survivre. Ce que j’y ai vu, mon équipe et moi le savions déjà : pauvreté extrême et urgence d’agir. La plupart habitent dans des abris de fortune, sans eau potable ni électricité, dans des conditions de vie inhumaines. Cela confirme l’importance capitale pour l’administration Martelly / Lamothe de continuer à investir dans les programmes sociaux. Il reste trois ans à mon mandat en tant que premier ministre et je souhaite rapidement mettre en place une infrastructure solide pour aider les plus démunis d’Haïti. Les gouvernements précédents n’ont rien fait pour les plus vulnérables. C’est pour eux que nous travaillons et élaborons ces programmes.
Dans le cadre de ce projet à Canapé-Vert, nous souhaitons réparer des maisons, électrifier le quartier et l’éclairer à l’aide de lampadaires à panneau solaire. Nous installerons aussi un parc pour les enfants, ainsi qu’un bloc sanitaire où les gens pourront se procurer de l’eau potable. Un peu comme nous l’avons fait à Cité Soleil. Cela s’ajoute bien sûr aux programmes Ede Pèp. Le but est avant tout de créer une forme de sécurité sociale qui améliorera la qualité de vie de ces gens le plus vite possible. Le modèle que nous tentons de mettre en place ici à Canapé-vert, nous l’appliquerons aussi ailleurs, dans d’autres bidonvilles.
Comme vous le savez, j’aime voir comment les choses se passent sur le terrain. Malgré cela, je lis vos commentaires sur Twitter et Facebook avec grand intérêt. J’aime écouter les préoccupations et l’opinion des gens. C’est un autre moyen de prendre le pouls de la population. Une sorte de gouvernance 2.0. Certains écrivent qu’il vaudrait mieux relocaliser les gens des bidonvilles. Je ne crois pas que ce soit la bonne solution. Repousser le problème ailleurs pour éviter de regarder le problème en face? Ce serait non seulement couteux, mais irresponsable. On parle ici de gens qui ne vivent avec pratiquement rien; leur souffrance est grande et leurs besoins sont criants. J’ai vu des familles de dix personnes vivant dans une seule pièce, des gens très malades ayant besoin de soins immédiats et habitant des logements d’une insalubrité sans nom. Il y a urgence. Si vous pouvez lire ce billet présentement, c’est que le type de programme social que nous mettons en place ne s’adresse probablement pas à vous. Il est destiné à ceux et celles qui n’ont rien.
D’autres écrivent également qu’il faut d’abord s’occuper des gens vivant dans les camps; nous nous sommes déjà occupé de 80% des réfugiés du tremblement de terre et oui, il reste du travail à faire pour eux. Mais rappelez-vous que je suis le premier ministre de TOUS les Haïtiens et qu’il ne faut pas oublier les gens des quartiers populaires qui vivent, eux aussi, dans une situation déplorable qui nécessite également des mesures concrètes MAINTENANT. C’est une question de dignité.
C’est ma responsabilité, en tant que chef du gouvernement, d’aider mes frères et sœurs maintenant. En tant qu’Haïtiens, c’est même notre responsabilité à tous. Chacun peut faire sa part pour faire d’Haïti un endroit plus juste et plus équitable. C’est ce qui me revient toujours en tête quand je circule dans les rues de nos villes et villages, et que je constate à quel point le peuple haïtien est courageux et prêt à s’impliquer pour changer les choses. Ensemble, nous pouvons changer les conditions de vie de nos frères et sœurs moins bien nantis. Je continue à lire vos suggestions avec intérêt. L’engagement civique du peuple haïtien peut faire une différence, j’en suis convaincu.
Je voudrais terminer ce billet avec une petite histoire. Pendant ma visite, j’ai été très ému par un jeune garçon handicapé. Sa grand-mère m’a expliqué qu’il était né avec une insuffisance rectale, qu’il avait été opéré, mais que la procédure avait échoué. Il a grandi et survécu malgré son handicap. Son regard était d’une tristesse infinie. Je l’ai pris dans mes bras, et il m’a semblé, pendant un moment, que c’était le fils d’Haïti qui posait sa tête fatiguée sur mon torse. C’était très touchant. J’ai donné des instructions à un des membres de mon cabinet privé afin que des mesures soient prises pour aider cet enfant. Nous l’avons emmené à l’hôpital Bernard Mevs, où il fut confié aux meilleurs médecins. Son cas étant très rare, il était impossible de l’aider, même pour eux, mais heureusement, un spécialiste des États-Unis a été contacté et celui-ci viendra l’opérer bénévolement. Je vous tiendrai au courant des développements de son histoire.