Je suis né à Port-au-Prince le 14 août 1972.
Mon père était le Dr Louis J. Lamothe, le fondateur de l’Institut Lope De Vega, qui est une institution de renom depuis 1957 et qui aide encore la jeunesse haïtienne à apprendre l’espagnol de manière rigoureuse et élégante.
Ma mère se nomme Ghislaine Fortuney Lamothe, c’est une artiste de réputation internationale qui à travers de belles œuvres naïves met en valeur la femme haïtienne. Ses peintures présentent aussi les quartiers populaires de Port-au-Prince avec un regard très humain.
Mon frère est Ruben Lamothe, un joueur de tennis de haut calibre. Il a été capitaine de l’équipe haïtienne à la Coupe Davis pendant plusieurs années et il a défendu notre pays dans maintes compétitions internationales de tennis.
Moi aussi, dès l’âge de 8 ans, j’ai commencé ma carrière de joueur de tennis et à 10 ans je me suis rendu à St-Domingue pour jouer le tournoi de tennis de l’Amérique Latine et des Caraïbes que nous avons d’ailleurs gagné. De 10 à 17 ans, j’ai représenté mon pays dans les championnats de tennis du monde entier. J’ai participé à de grandes compétitions, que ce soit la Coupe du monde junior ou la Coupe Davis. J’ai toujours été animé par un sentiment patriotique et voulu que mon pays soit bien représenté sur la scène internationale. Très tôt, ces expériences ont forgé chez moi un sens de l’honneur et des responsabilités, quelque chose que tous les athlètes, quels qu’ils soient, peuvent facilement comprendre. Gagner, faire de son mieux, se surpasser à la fois pour soi-même, pour son équipe et pour son pays… Voilà ce qui était ma motivation.
J’ai fréquenté l’Institution St-Louis-de-Gonzague de la 12e année du primaire à la 3e année du secondaire. J’ai remarqué qu’il y a beaucoup de mes condisciples de l’époque qui, comme moi, ont fréquenté cette institution et qui travaillent aujourd’hui dans l’administration publique. J’y vois là une preuve que ma génération est très attachée aux valeurs patriotiques.
Lors de ma 4e année du secondaire, le professeur qui m’a marqué le plus était Monsieur Thebaud. Cet homme m’a beaucoup influencé par sa discipline, sa rectitude et sa droiture; il ne plaisantait pas avec le sens de l’éthique. Il nous faisait étudier assidument, nous faisait comprendre l’importance du savoir et orientait nos efforts vers la réussite. J’ai continué mes études à l’Union School où j’ai obtenu mes baccalauréats 1 et 2.
Ma famille était très ouverte. Quand j’étais enfant, je jouais aux billes et au ballon avec tous les enfants du quartier, sans distinction. On habitait à Museau Delmas 60. Mon enfance m’a marqué parce qu’il n’y avait pas d’exclusion sociale entre nous. C’est pour cela que maintenant, je parle souvent d’inclusion sociale dans mes discours et mes prises de position concernant l’éradication de la faim et de la misère au sein de la population; je le fais toujours sans aucune distinction sociale. Ce désir d’inclusion sociale m’animait dès mon plus jeune âge, surtout dans le sport, quand je jouais au club de tennis Lope de Vega, situé à Delmas 33. Ce club était ouvert à tous les jeunes du quartier, qui étaient invités à venir jouer; cela améliorait leurs conditions de vie. C’est pour moi une chance d’occuper cette position aujourd’hui pour apporter ma contribution au développement du pays.
J’ai toujours été proche des masses populaires, proche du peuple, j’ai toujours eu un sentiment profond qui me disait que nous devons faire tout notre possible, avec les moyens disponibles, pour aider les autres à réussir et à avancer. J’étais aussi indigné par la situation miséreuse dans laquelle beaucoup d’Haïtiens et Haïtiennes vivaient. Très tôt, j’ai pensé que mon rôle était de travailler à éliminer ce déséquilibre socio-économique et de présenter une autre image du pays; c’était ça le plus important pour moi et j’ai porté ce désir dans tous les voyages que j’ai faits depuis ma tendre enfance.
Je n’ai jamais adopté une autre nationalité, je suis toujours resté un Haïtien, j’ai toujours gardé mon passeport haïtien et ma dignité haïtienne. Cela ne m’a jamais traversé l’esprit de changer de nationalité. Comme vous pouvez le voir depuis que je suis ministre des Affaires étrangères, la majorité des déclarations que nous faisons avec le Président de la République concernent les problèmes de visas auxquels nos compatriotes sont confrontés. Avec mon passeport haïtien, je peux aisément me mettre à leur place. C’est un combat personnel que je mène avec le Président de la République Michel Joseph Martelly afin que les pays qui disent que les Haïtiens n’ont pas besoin de visas pour entrer chez eux respectent leur engagement. Quand vous voyagez avec un passeport haïtien, vous êtes victime d’humiliation et on vous jette des regards discriminatoires. J’en ai personnellement fait l’expérience quand je jouais au tennis. Cependant, le peuple haïtien est un peuple fier et conséquent. Ce peuple a des problèmes économiques, certes, mais ce n’est pas une raison pour adopter une attitude discriminatoire et nous nous opposons ardemment à toutes les formes de discrimination envers notre peuple. Avec le Président Martelly, nous entamons une vaste campagne pour que les Haïtiens et Haïtiennes voyagent sans demander aux pays voisins des visas d’entrées, tout en conservant leur nationalité, comme moi d’ailleurs.
Vous savez, entre 1986 et 1996, le pays a connu une grande période d’instabilité marquée par des coups d’État, un embargo économique et une invasion étrangère pour la restauration de l’ordre démocratique. J’ai toujours eu l’idée de participer à la vie publique pour améliorer les choses à travers une gestion stable et équilibrée, pour que le drapeau d’Haïti reste et flotte au vent dans toute sa beauté. Quand mon père m’a demandé dans quelle discipline universitaire je voulais me lancer, j’avais immédiatement choisi les sciences politiques en pensant qu’un jour je pourrais aider mon pays à sortir de l’instabilité. Après mes études, je n’arrivais pas encore à travailler dans ce domaine, alors j’ai décidé de faire une maitrise en administration d’entreprise. Cela m’a aidé et tous les jeunes qui me lisent maintenant, je les exhorte à rester à l’école pour apprendre le plus de choses possible. Depuis les cours de l’école fondamentale jusqu’à l’obtention d’un diplôme universitaire, les jeunes garçons et les jeunes filles du pays pourront ainsi avoir un métier qui leur permettra de s’occuper d’eux-mêmes et de leur famille. C’est en s’instruisant dès sa jeunesse qu’on peut faire avancer un pays sur la voie du développement.
J’ai beaucoup de respect pour le Président Martelly, qui est un modèle de réussite. Il habitait à Carrefour et avec son petit piano et beaucoup de volonté, il a créé un groupe musical populaire, «Sweet Micky». Lui aussi a toujours eu le sentiment qu’il fallait faire quelque chose pour changer les conditions de vie en Haïti. Je suis un «fan» invétéré de la musique du Président et aujourd’hui, j’apprécie encore plus cet homme parce que c’est quelqu’un de direct, de simple, qui dit ce qu’il pense et qui a un amour profond pour son pays et pour la réussite de la jeunesse haïtienne. Je respecte également son fervent désir d’instaurer un système d’éducation pour toute la population. Sur cet aspect, on se ressemble grandement. C’est vrai que je partage sa vision et j’en suis fier.
J’ai toujours dit au Président que j’étais prêt à jouer mon rôle dans le processus du changement en tant que simple citoyen, parce que l’engagement personnel est le seul moyen d’enlever Haïti de la misère. 70% des Haïtiens et des Haïtiennes ne mangent pas à leur faim. Le pays est dans un état de délabrement total. Beaucoup de familles vivent dans la rue ou sous les tentes. Les gouvernements précédents n’ont pas travaillé à apporter de changements concrets pour ces familles qui n’ont pas de maison et qui ont faim. Ils n’ont pas utilisé le pouvoir qu’ils avaient entre leurs mains pour améliorer les conditions de vie du peuple, mais ils l’ont fait pour améliorer leurs propres conditions! Donc quand le Président Martelly m’a expliqué son projet de gouvernance qui est de donner des maisons aux familles qui sont sous les tentes, d’envoyer tous les enfants à l’école en leur fournissant le transport scolaire gratuitement, d’alphabétiser les adultes, d’établir un système de sécurité sociale pour le peuple et de développer les quartiers populaires, alors bien sûr que je lui ai dit oui! J’allais être son conseiller spécial. À la formation du gouvernement de Garry Conille, on m’a demandé d’être le ministre des Affaires étrangères et j’ai accepté le poste juste pour servir mon pays. Et quand le Président a proposé mon nom au Parlement pour le poste de premier ministre, par principe, je ne pouvais pas refuser, car je suis animé par l’unique volonté de répondre à l’appel de mon pays chaque fois qu’il me sera possible de le faire.
En tant que ministre des Affaires étrangères, j’ai toujours cru que la diplomatie d’affaires était un concept de responsabilité citoyenne. Le peuple est sous la responsabilité de ses dirigeants pour les quatre prochaines années et le Président a besoin de gens pour l’accompagner dans ses projets. J’ai accepté d’être désigné premier ministre parce que je crois en cet esprit de responsabilité. Ce qu’il faut au gouvernement maintenant, ce sont des ressources humaines fiables, des gens qui ont une vision responsable et qui peuvent obtenir des résultats concrets pour le peuple haïtien. Moi, je veux réussir le projet du Président parce que c’est aussi le projet du peuple! D’ailleurs, il a dit qu’il ne pouvait réussir sans une équipe vraiment déterminée à reconstruire Haïti avec lui. Je suis un membre de cette équipe qui veut voir renaitre la nation blessée. Je travaille très dur, je me couche très tard et me lève très tôt pour faire mon humble part. Je cherche des solutions pour donner du travail aux gens, pour les faire sortir des tentes, pour leur donner à manger et pour les alphabétiser. C’est de là que vient le concept de la diplomatie d’affaires. Par cette diplomatie, nous cherchons des investissements sécuritaires et nous voulons lier notre mission aux objectifs de développement de tous les ministères. Voilà pourquoi je m’engage en tant que citoyen. Voilà pourquoi je n’arrêterai pas de servir Haïti.